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DES PRATIQUES NUMÉRIQUES MASSIVES ET ENRACINÉES
“Il faut cesser de présenter le numérique comme une pratique nouvelle et émergente en France ”, annonce Daniel Kaplan pour ouvrir le propos. Contrairement à ce que l’on croit, la France n’est pas au-dessous des moyennes européennes à cet égard, même légèrement au-dessus. Les pratiques numériques sont aujourd’hui des pratiques normales, massivement disséminées dans la population, quel que soit l’âge et le niveau social. La preuve en quelques chiffres : 85% des Français sont équipés d’ordinateurs et utilisent internet, chiffre qui ne tombe qu’à 75% pour les 60-69 ans. Et la moitié de la population fréquente les réseaux sociaux. En revanche, les inégalités se situent dans la nature des usages, la diversité des pratiques. Plus on a de moyens, de temps et d’éducation, plus on utilise le numérique de façon élaborée et libératrice. Tandis que les populations pourvues de moins de moyens, de “capital social”, montrent des pratiques plus limitées. Et, à l’inverse de ce que l’on pourrait penser, les personnes qui ont le plus d’échanges en ligne sont aussi celles qui, dans la vraie vie, nourrissent le plus de relations avec l’autre. “On n’est pas face à une division société en ligne vs société hors-ligne, mais à une société globalement en ligne qui a transféré sur les pratiques en ligne toutes les inégalités de la société existante.”
(…) une société globalement en ligne qui a transféré sur les pratiques en ligne toutes les inégalités de la société existante.
UN MONDE DU TRAVAIL FACE À LA MÉTAMORPHOSE NUMÉRIQUE
Le constat : aujourd’hui la plupart des métiers ont été transformés : métamorphose des moyens de communication, modification des délais de réactivité et par là même de l’organisation du travail. Et tout le monde est concerné, du cadre supérieur à l’ouvrier. Mais ce qui fragilise l’entreprise, démontre Daniel Kaplan, c’est la tension entre deux effets opposés du numérique. D’un côté, un numérique qui “formalise et contrôle ” : avec l’informatisation généralisée, tout se normalise, tout est surveillé, ce qui est mal vécu par certains travailleurs. De l’autre, un numérique qui “ouvre le champ, casse les barrières ” : appel aux initiatives, aux nouvelles formes d’échanges, aux forums... Selon Daniel Kaplan, “ce qu’ il faudrait, c’ est étendre la proportion de gens pour qui le numérique est un outil formidable et libérateur. ” “La réalité du marché du travail, poursuit-il, c’est un monde qui n’est plus linéaire,
où les passages dans les entreprises se font de plus en plus courts. Même si cela a un côté dynamique et permet d’explorer de multiples univers tout au long d’une carrière, c’est quelque chose qu’on assume très mal, particulièrement en bas de l’échelle sociale.” D’un turnover de plus en plus rapide résultent la disparition de l’engagement, une mentalité opportuniste et une perte de la communauté professionnelle de chacun. Or “la plupart des gens préfèrent s’engager dans une mission plutôt que simplement faire leurs heures ”.
(…) le numérique est un outil formidable et libérateur.
Pour revaloriser le travail et améliorer la qualité des relations employeur-salarié, qui s’est fortement dégradée ces dernières années, Daniel Kaplan imagine un système